(Zaman Al Wasl)- C’est bientôt les journées cinématographiques de Carthage(JCC), première manifestation de son genre en Afrique et vitrine distinguée et particulière du cinéma arabe. Un évènement annuel à Tunis qui se tiendra cette année du 4 au 11 novembre. En compétition officielle, « La pluie de Homs » un film syrien de Joud Saeed sera parmi les films en lice de la catégorie des longs-métrages. A ce moment l’éternel débat entre politique et cinéma se déclenche. Pour un spectateur curieux qui ne connait pas Saeed, il suffit de jeter un œil sur la bande-annonce pour que tout l’enthousiasme s’éteigne rapidement.
Un état de lieu tellement convenable que le réalisateur Saeedn'a pas fait grand effort pour créer une ambiance réaliste au film.Des bâtiments détruits, des scènes dévastées, des maisons abandonnées et les décombres dominent les ruelles qui jusque récemment embrassaient les pas des victimes inconnues. Avec une bonne sélection de nouveaux visages d’acteurs, le film fut un instrument cinématographique pour détourner l’image des rebelles d’une ville surnommée « capitale de la révolution » : de victimes du régime à tueurs à sang froid.
Alors que le film n’a pas encore été projeté à grande échelle, il a été déjà félicité par les médias et les chaines du régime. Un teaser parfaitement monté, a reflété clairement que le film essayait de donner une vision unilatérale de ce qui se passait à Homs en absence de son peuple et déformait délibérément les faits à la manière de Najdet Anzour en faisant référence à la propagande de ses derniers films bien payés.
Les clichés d’un discours de victimisation commencent par une scène d’un homme et deux enfants cherchant l’abri au milieu des gravatset sous les obus qui s'effondraient sur eux sans révéler pour autant la source du bombardement.Une autre montre untireur d'élite derrière une niche dans un immeuble en ruines, pointant une mitraillette sur un enfant courant avec un chien et les tuant.
Une troisième prisedans laquelle figure encoreun tireur d'élite qui tirait son fusil sur une croix inscrite sur de l’avant-bras gauche d’un ecclésiastique chrétien. Le dernier ne fait que laver sa main pour repousser l’attaque. Les scènes de propagande s’enchaînent pour démontrer cette dualité contradictoire entre les loyalistes et les rebelles : d’un côté, une image en couleur d’un ensemble d’ individus civils, supporteurs de régime, partisans d’amour, de complémentarité, d’espoir, de paix, et de coexistence. En revanche de l’autre côté une ambiance haineuse de couleurs sombres des rebelles criminels qui ne se prononcent même pas en dialecte syrien.
Des femmes armées sont aussi apparues sur plusieurs plans de cette courte bande-annonce. Un clin d’œil à la présumée utilisation des femmes pour combattre aux côtés des rebelles. Une hypothèse sans fondement et n’a aucune base dans la réalité. Aucune vidéo parmi les milliers de vidéos propagées durant les batailles à Homs n’a confirmé la participation des femmes pendant la période réclamée par les producteurs du film. Said va encore plus loin avec l’emploi de l’élément féminin quand il intègre une scène de pure fantaisie d’une femme pendue à l’envers derrière un certain nombre de combattants de l'opposition tandis qu'ils affrontent les forces du régime tentant de prendre d'assaut la vieille ville.
A la fin, on livre aux spectateurs l’illusion que Homs n’était peuplé que par des terroristes avant que les forces d’Assad conquièrent la ville.
Le journaliste Rached Issa a déclaré que Saeed a tourné son film en absence des habitants de la ville et précisément après leur déplacement et la destruction de leurs maisons et les massacres commises contre ces propriétaires qui sont la majorité de la population de cette ville.
« Il ne se cache pas.Il apporte son soutien au régime meurtrier en Syrie, alors il serait évident de présenter la version du régime, et de monopoliser cette version de guerre, ou peut-être d'essayer. » A continué Issa.
Issa a souligné que JoudSaid a réalisé son film avec le soutien des chars et de l’armée de l'air, ce qui lui a offert une décoration digne de son scénario. Alors il n’y aura plus besoinde dévierdu script dicté. « Aujourd'hui Saidsemble harmonieux et homogène quand il présente son film à ceux qui restent dans la ville. Mais la grande majorité absente des habitants ,celle-ci a son histoire et son cinéma, qui défient les jours et ne peuvent pas être volés à main armée. » a-ajouté Issa.
À son tour, le dramaturge syrien YamenJaddoua a mentionné que le film est une tentative de modifier les faits et de montrer les militants comme responsables d’un long siège des curés et des civils alors que la réalité est tout à fait le contraire.
« Joud Saeed représente l'autorité qui a longtemps ignoré la créativité de « Khaldoun et NabilMalih » et «Mohammed Malas », le réalisateur de" paix à Damas ", premier film reflétant le vécu syrien et qui a été produit secrètement après la révolution et empêché de jouer en Syrie. » A indiqué Jaddoua. « Ainsi Il est normal que la vision de "Said" soitcompatible / s’identifie à la vision du système et sa falsification des faits. »
Jaddoua a précisé que le théâtre et le cinéma sont devenus la mémoire des peuples et que les cinéastes sont les auteurs de l'histoire, ajoutant que les générations futures ne se souviendront peut-être que des films et des séries réalisés après la révolution syrienne.
Selon lui, si les boites de production prorévolutionnaires ne produisent pas des films qui incarnent la vérité, récitent les histoires de la révolution, et décrivent les massacres et les ravages, dans ce cas la seule image que le monde verra dans les prochaines années, sera celle que le régime a produit à travers ses outils.
Il a finalement exprimé son espoir de regarder des films qui raconteront la réalité tragique vécue par le peuple syrien dans les sept ans de révolution afin de ne pas manipuler notre histoire etde nos malheurs. (Par Mohamed Hamdan)
Zaman Al Wasl
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